L'OEIL DU CERCLE N°150 - JEUDI 30 MAI 2024  
 
 
LA FABRIQUE DU DROIT
L'UE adopte une loi historique sur l’intelligence artificielle (IA ACT) et crée un bureau chargé de réguler ces technologies
 

L’Artificial Intelligence Act, qui encadre le développement et l’utilisation de l’intelligence artificielle en Europe, a été adopté le 21 mai 2024. Les États membres de l’UE ont validé l’accord politique conclu en décembre 2023. Les objectifs poursuivis sont de plusieurs ordres : veiller à ce que les systèmes d'IA mis sur le marché européen soient sûrs et respectent les droits fondamentaux des citoyens et les valeurs de l'UE, garantir la sécurité juridique pour faciliter l'investissement et l'innovation et faciliter le développement d'un marché unique pour les applications. Les systèmes d’IA qui ne présentent qu’un risque limité seront soumis à des obligations de transparence allégées. Ceux considérés comme étant à haut risque seront soumis à des exigences renforcées avant d’être autorisés dans l’UE. Un bureau constitué d’experts sera créé au sein de la Commission UE, il jouera un rôle central dans la mise en œuvre de la législation, assistera les organes de gouvernance des Etats membres et élaborera des codes de pratique.

 
Le Conseil de l’UE adopte formellement la directive sur le Devoir de vigilance
 

Le Conseil de l'UE a adopté officiellement la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité  « CSDDD » (Corporate sustainability due diligence directive). Le texte introduit pour les grandes entreprises actives dans l’UE, l’obligation de prendre des mesures pour prévenir, identifier et atténuer toute incidence négative sur les droits de l’homme ou l’environnement causée par leurs propres activités et celles de leurs filiales ainsi que celles menées par leurs partenaires commerciaux. Il s'agit de la dernière étape de la procédure décisionnelle. Les États membres disposeront d’un délai de transposition de 2 ans à compter de son entrée en vigueur. La directive fait cependant l’objet de critiques, notamment quant à son ambition.

 
 
 
 
LA VIE DES AFFAIRES ET LE DROIT
Le gendarme boursier UE (ESMA) sensibilise sur les communications entre entreprises et analystes
 

L'Autorité européenne des marchés financiers a déclaré que les entreprises devaient être conscientes de la législation européenne qui vise à prévenir les abus de marché lorsqu'elles organisent des « appels pré-clôture » avec des analystes. L’institution fait référence aux communications, avant la publication de résultats, entre une entreprise et des analystes qui la suivent et publient ensuite des notes de recherche, émettant des recommandations aux investisseurs sur les actions et obligations du groupe concerné. Ces pratiques de communication entre entreprises et analystes sont plus répandues en Europe qu'aux États-Unis, où la SEC a depuis longtemps interdit de telles pratiques pour assurer l'équité du marché financier.

 
Le groupe d’assurances Indexia (ex-Sfam) placé en liquidation judiciaire
 

Le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation de 17 sociétés du groupe de Sadri Fegaier, présenté dans les médias comme étant le « plus jeune milliardaire de France ». Le groupe Indexia spécialisé dans les assurances pour téléphones et produits multimédia sera jugé au pénal pour pratiques commerciales trompeuses en automne et se voit attaquer au civil par des centaines de clients qui dénoncent des prélèvements indus. En amont, la DGCCRF avait été saisie d’alertes répétées de clients se plaignant de méthodes de souscription douteuses, avec des prélèvements non désirés et répétés. La CNIL l'avait également condamné à deux amendes de 310 000 et 525 000 euros pour avoir utilisé à des fins de prospection commerciale des données fournies par des courtiers en données, sans s’assurer que les personnes concernées avaient valablement consenti à être démarchées.

 
 
 
 
Les acteurs du droit en mouvement
Brevets: accord à l'ONU sur un traité pour lutter contre la biopiraterie
 

A l’issue de plus de vingt ans de négociations, plus de 190 pays membres de l'ONU se sont mis d'accord sur un traité historique en matière de brevets visant à lutter contre la biopiraterie et le pillage des ressources génétiques, notamment des peuples autochtones, qui ne bénéficient pas des inventions qui reposent pourtant sur leurs savoirs traditionnels. Il s'agit du premier traité de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (Ompi) sur la propriété intellectuelle, les ressources génétiques et les savoirs traditionnels. Aux termes du texte, les déposants de brevets sont obligés de divulguer les origines des ressources génétiques et des savoirs traditionnels utilisés dans une invention. Selon l’accord, les pays devraient, avant d'appliquer des sanctions, donner la possibilité à un déposant de brevet de rectifier sa demande s'il a manqué à ses obligations d’informations. Chaque pays peut désormais décider s'il ratifie ou pas le traité. Il entrera en vigueur une fois que 15 pays l'auront ratifié.

 
Russiagate : des perquisitions au Parlement UE, à Bruxelles et à Strasbourg, dans le cadre d’une enquête sur des soupçons d’ingérence russe
 

Le parquet fédéral belge, les autorités judiciaires françaises et Eurojust ont annoncé avoir mené des perquisitions au Parlement UE, à Bruxelles et Strasbourg, dans le cadre d’une enquête sur des soupçons d’ingérence russe et de corruption. La personne visée serait un ancien assistant parlementaire français. L'enquête a été lancée en avril, après l'identification d'un réseau d'influence financé par Moscou. Fin mars, les services de renseignement tchèques avaient alerté sur l’existence d'un réseau qui répandait la propagande russe via le site « Voice of Europe », pour dénoncer notamment le soutien militaire occidental à l'Ukraine dans la guerre déclenchée par Moscou. Le site a récemment été placé sur une liste de sanctions de l'UE, et interdit de diffusion.

 
Les greffiers des tribunaux de commerce suggèrent des pistes pour renforcer la lutte contre la criminalité financière
 

Le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNGTC) a dévoilé 15 propositions, regroupées dans un Livre blanc, pour lutter efficacement contre les schémas de fraude et de criminalité financière. En première ligne pour détecter les circuits financiers clandestins et signaler les comportements économiques suspects, le CNGTC plaide notamment pour un contrôle des titres d'identité des dirigeants étrangers, une vérification de la réalité du compte bancaire déclaré par les entreprises lors de leur création, une interconnexion du registre du commerce et des sociétés avec le répertoire national d'identification des personnes physiques, une sécurisation du secteur associatif ayant une activité économique, la création de nouveaux registres, pour les personnes politiquement exposées et celles exclues de la passation des marchés publics, l’amélioration de la réglementation des bénéficiaires effectifs, Ces mesures sont reprises dans le rapport de la commission d'enquête du Sénat sur le narcotrafic.

 
Evaluation des tiers : résultats de la dernière enquête de l’AFA auprès des entreprises
 

La loi Sapin II fixe pour mission à l’Agence française anticorruption (AFA) d’aider les autorités compétentes et les personnes qui y sont confrontées à prévenir et détecter les infractions d’atteinte à la probité, telles que, notamment pour les entreprises, la corruption ou le trafic d’influence. Dans ce cadre, l’AFA a réalisé, en 2020, une première enquête sur le niveau de maturité des dispositifs anticorruption des entreprises pour lui permettre de disposer d’un état des lieux sur la perception de la corruption et la mise en œuvre des mesures anticorruption au sein des entreprises en France et, d’adapter ainsi son offre de sensibilisation et de formation à leur profit. Cette enquête a été reconduite en 2022. Par la suite, l’AFA a diffusé, en octobre 2023, par l’intermédiaire des fédérations et associations professionnelles, un questionnaire visant à recueillir les informations auprès des entreprises concernant les bonnes pratiques dans la mise en place d’un dispositif d’évaluation des tiers et les éventuelles difficultés qu’elles peuvent rencontrer. L’AFA a souhaité publier le détail des résultats de son enquête afin de de mettre en lumière les pratiques de marché.

 
L'AMF publie son rapport annuel 2023
 

En 2023, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a fêté ses 20 ans et défini ses orientations stratégiques pour la période 2023-2027. La publication du rapport annuel 2023 permet de revenir sur les principales actions de l'AMF et sur sa contribution aux réflexions menées aux niveau national, européen et international. Le rapport revient sur les chiffres marquants de l’année écoulée et sur la particulière attention portée par l’AMF sur la promotion d’une supervision européenne directe des grands acteurs financiers paneuropéens, y compris en matière de crypto-actifs, et à celle d’une relance du marché de la titrisation.

 
 
 
 
le monde change ... digital
DMA : la Commission UE désigne Booking « gatekeeper » et ouvre une enquête de marché sur X
 

La Commission UE a annoncé avoir désigné Booking, la société mère du site web de voyage Booking.com, comme contrôleur d’accès en vertu du règlement sur les marchés numériques (Digital Markets Act, DMA). Parallèlement, la Commission a ouvert une enquête de marché afin de poursuivre l'évaluation de la réfutation soumise en ce qui concerne le service de réseau social en ligne X. Le DMA vise à empêcher les abus de position dominante nuisibles à la concurrence dans l’espace numérique. En vertu de ce règlement, les entreprises technologiques ayant acquis une position dominante sur des marchés numériques donnés, qualifiées de « contrôleurs d’accès », doivent agir de manière à ne pas entraver la concurrence.

 
Gouvernance européenne des données : la Commission UE ouvre des procédures d'infraction à l'encontre de 18 États membres dont la France
 

La Commission UE ouvre plusieurs procédures d'infraction, contre la France et 17 autres États membres (Belgique, Tchéquie, Allemagne, Estonie, Grèce, Italie, Chypre, Lettonie, Luxembourg, Malte, Autriche, Pologne, Portugal, Roumanie, Slovénie, Slovaquie et Suède). Ces Etats ont été mis en demeure de désigner les autorités responsables de la mise en œuvre du Data Governance Act. La loi sur la gouvernance des données facilite le partage de données entre les secteurs et les pays de l’UE au profit des citoyens et des entreprises. Les 18 États membres concernés disposent désormais de 2 mois pour répondre et remédier aux manquements signalés par la Commission. En l'absence de réponse satisfaisante, la Commission peut décider d'émettre un avis motivé.

 
Avis du CEPD sur l’utilisation de la reconnaissance faciale par les aéroports et les compagnies aériennes
 

Le Comité européen de la protection des données (CEPD) a adopté un avis sur la reconnaissance faciale dans les aéroports indiquant que les individus doivent garder le contrôle sur leurs données biométriques. Le CEPD constate que de plus en plus d’exploitants d’aéroports et de compagnies aériennes dans le monde pilotent des systèmes de reconnaissance faciale permettant aux passagers de passer plus facilement les différents points de contrôle. Les solutions fondées sur le stockage dans une base de données centralisée, soit dans l’aéroport, soit dans le nuage, sans les clés de cryptage entre les mains de l’individu, ne peuvent pas être compatibles avec les exigences de protection des données dès la conception et par défaut et, si le responsable du traitement se limite aux mesures décrites dans les scénarios analysés, ne respecteraient pas les exigences de sécurité du traitement.

 
OpenAI n’en fait pas assez pour se conformer au RGPD, selon les régulateurs européens
 

En avril 2023, le CEPD a instauré un groupe de travail dédié à l’évaluation de la conformité du chatbot d’OpenAI, ChatGPT, au RGPD. Cette initiative a été déclenchée par une action de l’autorité italienne de protection des données qui avait momentanément suspendu ChatGPT en raison de préoccupations relatives au traitement des données personnelles. Le groupe de travail mis en place a rendu ses conclusions préliminaires. Si de nombreux points restent à clarifier, comme la base juridique sur laquelle OpenAI s’appuie pour traiter les données personnelles utilisées dans l’entraînement de ses modèles, OpenAI doit redoubler d’efforts pour se conformer à la réglementation.

 
Localiser les données au sein de l'UE, nouvelle exigence du référentiel « Hébergeur de données de santé »
 

Le ministère de la Santé a publié les nouvelles règles applicables pour l’hébergement des données de santé. Celles-ci devront obligatoirement être localisées sur le territoire européen, mais pourront toujours être confiées à des acteurs extra-européens. Créé en 2018, le référentiel « hébergeur de données de santé » ou « HDS » impose aux hébergeurs un certain nombre d’exigences, dès lors que des données de santé comme des diagnostics, des traitements, des résultats sanguins ou des informations relatives au génome sont concernées.

 
OpenAI signe un accord avec le groupe News Corp pour accéder à ses contenus et enrichir ChatGPT
 

Après Axel Springer, Le Monde ou encore le Financial Times, OpenAI vient de signer un nouveau contrat avec le groupe médiatique News Corp. Un accord qui doit autoriser la maison mère de ChatGPT à entraîner ses modèles à l’aide des contenus des médias du groupe et à sourcer ses réponses. Moyennant 250 millions de dollars sur cinq ans, la maison mère de ChatGPT pourra exploiter les articles et archives de l’ensemble des titres du groupe. Cela comprend notamment les publications telles que le Wall Street Journal, Barron's, MarketWatch, Investor's Business Daily, FOX News et New York Post, The Times, The Sunday Times et The Sun,The Australian, news.com.au, The Daily Telegraph, The Courier-Mail, The Advertiser et Herald Sun.

 
 
 
 
greendeal
Décarbonation dans le secteur manufacturier : la Commission UE autorise un régime d’aides d’État français d’un montant de 4 milliards d’euros
 

Conformément au plan industriel du pacte vert, la Commission européenne a autorisé un régime d'aides français d'un montant 4 milliards d’euros pour soutenir des mesures qui visent à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur manufacturier et faciliter sa transition vers une économie à zéro émission nette. Tout en préservant l'intégrité et des règles du jeu équitables sur le marché unique, la transformation du cadre temporaire de crise en matière d'aides d'État en un cadre temporaire de crise et de transition vise à stimuler les investissements qui permettraient un déploiement plus rapide des énergies renouvelables et la décarbonation de l'industrie et la production des équipements nécessaires à la transition. L’aide prendra la forme de subventions directes représentant jusqu’à 30 % des coûts d’investissement du projet.

 
L’Autorité communique sur la compatibilité des projets qui poursuivent un objectif de développement durable avec les règles de concurrence
 

Conformément à son engagement en faveur du développement durable, l’Autorité souhaite accompagner les entreprises désireuses de poursuivre des projets dans ce domaine. Dans cette perspective, elle publie, après l’avoir soumis à consultation publique, un communiqué posant un cadre pour répondre de manière informelle aux sollicitations des entreprises qui s’interrogent sur la compatibilité de leurs projets avec les règles de concurrence. L’apport de la douzaine de contributions reçues, émanant d'entreprises, d'associations d'entreprises, d'avocats, d'économistes et d'universitaires, a permis de nourrir et d’amender le projet, en vue de mieux garantir son adéquation aux attentes des parties prenantes.

 
Le règlement européen visant à augmenter la production de technologies vertes sur le continent est adopté
 

Les États membres de l'UE ont adopté le règlement pour une industrie « zéro émission nette ». Il poursuit l’objectif de favoriser l'implantation de projets industriels dans les technologies propres. Le texte, qui fait partie du plan industriel du pacte vert lancé en février 2023, qui vise à renforcer les capacités de production de l'UE pour les technologies et produits décarbonés. Deux mesures principales doivent permettre d’atteindre ces objectifs. La première est de simplifier et rationaliser l’octroi de permis pour des projets dans ces domaines. La seconde vise à encourager les États membres à s’affranchir des simples critères de prix.

 
 
 
 
Out of the law box
Warm showers : le couchsurfing cycliste
 

Warmshowers est une communauté de cyclotouristes et d’hôtes qui sert de plateforme aux cyclistes qui cherchent à nouer des relations pendant leurs expéditions, voire à profiter du confort d’une douche chaude en chemin. Les personnes qui souhaitent accueillir des voyageurs à vélo fournissent coordonnées, infos, et photos sur leur page, et accueillent un ou des cyclistes (ou se font accueillir) pour passer la nuit ou planter leur tente.

 
 
 
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