La confidentialité des avis des juristes d'entreprise alignerait notre droit sur celui de nos voisins et nous permettrait de regagner en compétitivité juridique, souligne Louis Vogel. Mais ce principe se heurte à de nombreuses résistances.
Par Louis Vogel
Le 8 juin 2023, le Sénat a adopté un amendement au projet de loi sur la justice reconnaissant la confidentialité des avis des juristes d'entreprise. L'amendement adopté demeure très modeste à la fois par son champ d'application et ses conditions : « S'ils sont titulaires d'un master en droit ou d'un diplôme équivalent français et étranger, et qu'ils justifient du suivi de formations initiale et continue en déontologie, les juristes d'entreprise bénéficient, en dehors de la matière pénale et fiscale, de la confidentialité de leurs consultations juridiques pour assurer leur mission de mise en oeuvre de la conformité. »
Alors que les juristes d'entreprise l'attendent depuis très longtemps, cette réforme, recommandée par de multiples études et rapports, qui alignerait notre droit sur celui de nos voisins et nous permettrait de regagner de la compétitivité juridique, se heurte à de nombreuses résistances. Ces oppositions sont-elles vraiment fondées ?
Augmentation du risque juridique
Sans plaider en faveur des juristes d'entreprise, tirons les conséquences de la profonde mutation, encore largement inaperçue, que connaît actuellement notre système juridique , qui affecte directement la fonction juridique. Longtemps, le juriste d'entreprise, exclu du comité de direction, s'est contenté en France, où les diplômés de grandes écoles commerciales ou d'ingénieurs occupent traditionnellement les postes opérationnels, « de mettre en forme juridique » des décisions prises par d'autres.
Aujourd'hui, le risque juridique a pris de telles proportions qu'il est devenu impossible de limiter son rôle à des interventions ex-post, et inévitable de l'associer aux décisions dès l'origine : un bon contrat mal pensé juridiquement, et pas...
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