Rappelons nous ce temps de confinement que nous venons de traverser pendant lequel nous avons été isolés les uns des autres. Il a parfois permis d'agréables et inattendues rencontres comme celle de l'Atlas de la traverse.
Abonné au journal Le Monde, je reçois celui-ci chaque jour par porteur dans ma boîte aux lettres au fond d'une traverse de la cité phocéenne. Quelle ne fut pas ma surprise de constater que depuis le début du confinement, mon journal portait des mentions manuscrites de la part du porteur du Monde que j'ai appelé dès lors Atlas.
Avec humour, délicatesse, gentillesse, chaque jour il écrit sur le journal un mot aimable allant même jusqu'à compléter parfois le titre des articles pour les rendre plus humains. Par ses lettres, l'encre devient sève et le papier journal lien entre les hommes. Cet Atlas a un prénom, Jean-Jacques. Je ne l'ai jamais vu pendant le confinement, il ne me connaît pas, mais entre nous se tisse chaque jour un lien d'humanité dans un univers apeuré de plus en plus deshumanisé.
Quelques exemples valent mieux que rhétorique :
- "Bonjour merci pour votre message qui m'a fait plaisir, en tout cas portez-vous bien et mangez du poisson à midi c'est le 1er avril"
- "Bonjour amis du Monde du "connard de virus" qui fait tourner en rond de pelle confinée. La ramasse des œufs c'est lundi. À vos jumelles moussaillons pour faire une omelette marinée. Bon week-end à 2 mains."
- Titre du Monde : « UE–Comment ouvrir les frontières ? » Mentions manuscrites : «en ne le fermant pas »
Parfois dans la pliure du journal, une branche d'arbuste fleuri, comme pour appeler le printemps, le renouveau, demain en somme ! Pour le 1er mai, un pot de muguet en chocolat déposé dans ma boite aux lettres, comme un signe de bonheur et de douceur.
Je veux aujourd'hui témoigner de ces petits gestes qui honorent l'être humain. Qui se cache derrière Jean-Jacques ? Certainement un cœur d'Homme.
Alors de porteur du Monde, n'est-il pas l'un des porteurs de femmes et d'hommes, comme le sont tous ceux qui se vouent et se dévouent aux autres en leur apportant soin, réconfort, chaleur humaine, espoir.
Ce confinement dont nous sommes enfin sortis a été une situation terrible pour de nombreuses familles entassées ou esseulées et une épreuve pour l'économie avec l'inactivité pesante pour beaucoup d'entreprises. Il fût cependant une grâce pour moi qui continue ma correspondance avec mon Atlas de la traverse. Au lendemain du déconfinement, il a sonné à ma porte et j'ai enfin pu mettre un visage sur ce grand cœur.
Merci Jean-Jacques !
Philippe Blanchet
Responsable de la Commission Grand Sud