La digitalisation de l’économie, accélérée par une pandémie mondiale, enracine de nouveaux usages.
En 2022, 5 tsunamis vont ébranler les savoir-faire juridiques.
Les professionnels du droit sont priés de s’adapter !
Retour à une économie administrée
Devenue notre nouvelle frontière, la mondialisation a du plomb dans l’aile. Le terrain de jeu de notre dernière décennie est attaqué de toute part. Les juristes bien adaptés à la globalisation des pratiques se trouvent aujourd’hui cernés par de nombreuses tensions géopolitiques où se jouent une guerre de territoires. L’expansion de notre univers mental (notre rapport au monde économique) est à bout de souffle – nous assistons à la rétractation de la mondialisation. Poussés par des enjeux électoralistes et la poussée des nationalismes, les gouvernements légifèrent à tout va. A la planche à billets succède la logorrhée réglementaire – le droit consensuel recule et le droit international, qui permettait de bâtir des contrats équilibrés et multiculturels basés sur une négociation pragmatique d’enjeux commerciaux librement consentis (au-delà des postures de Common Law ou de droit continental), n’est plus qu’un patchwork et un empilement de législations impératives sectorielles. On résonne par industrie. Le juriste devient un expert de la santé, l’énergie, les technologies, le bancaire, un sachant prié d’égrener les règles qui s’appliquent à son domaine d’activité. C’est le grand retour du règlementaire où les juges administratifs, les autorités de contrôle et les spécialistes en normes diverses et surtout variées auront les places de choix.
La folle histoire de la donnée
La digitalisation de notre économie a créé de nouveaux usages qui ont engendré d’intéressants business models telle que l’économie de l’attention. Nos données valent de l’or. Vraiment ? Quoiqu’il en soit elles sont un enjeu juridique majeur pour les entreprises, les consommateurs, et donc les juristes sommés d’être les gardiens du temple. Le citoyen de verre*, qui s’expose à loisir dans des posts intimistes ne demande pas moins que les Etats organisent sa protection – l’usager des réseaux sociaux lorsqu’il n’est pas mineur est un incapable majeur qui peut perdre toute capacité de discernement. La dynamique mise en place par l’économie de l’attention combinée à la puissance des algorithmes appelle la création de règles d’encadrement. Un champ d’investigation auquel aucun juriste ne peut se soustraire aujourd’hui devant l’universalité de la déflagration. Rien ni personne n’y échappe. C’est l’affirmation d’un nouveau cadre normatif impératif dans lequel les régionalismes jouent un jeu d’influence. Les DPO et Compliance Officers sont désormais les fonctions clefs de la stratégie des entreprises, tous secteurs confondus.
De vrais criminels pour une économie virtuelle
L’économie de l’usage n’a de sens que dans un univers numérisé. Les générations X, Y et Z sont sevrées de possession. S’il n’est pas eco-friendly de consommer sans limite, il peut aussi s’avérer rentable de payer selon son utilisation sa voiture, sa maison, sa tondeuse à gazon, sa trottinette, son logiciel (SaaS) etc… ces services sont dépendants des plateformes numériques, de l’internet des objets, de bases de données, de services cloud etc… parfaites proies pour les cyber criminels. Les chefs d’entreprises, pas nécessairement les plus geek de nos élites, découvrent à l’occasion d’un ransomware (dont le coût total mondial a été évalué à plus de 20 milliards pour l’année 2021) cette nouvelle réalité criminelle en pensant encore récemment déléguer la prévention de ce risque à leur CIO. L’immaturité de la gestion de ces sujets glisse vers une prise de conscience progressive. Les Directions Juridiques seront incontournables dans la mise en place de cartographies de risques et de programmes de prévention et de gestion de crise. Un domaine de compétence à à saisir d’urgence par les directeurs juridiques.
Les ravages du qu’en dira-t-on
Le risque réputationnel est passé en tête des préoccupations des managers, devant le risque pénal tellement redouté dans le monde d’hier. Les dommages économiques que peuvent créer un bad buzz ou un tweet viral sont incommensurables : la chute d’un cours de bourse, la remise en cause d’accords commerciaux, ou la démission d’un dirigeant générant une crise de gouvernance. Or, le recours à la justice traditionnelle et ses délais incompressibles est incompatible avec la nécessité d’une remédiation adéquate. Les parquets, les tribunaux sont de facto dépossédés de leur compétence sur ces questions. Dans les entreprises, les juristes en première ligne aux côtés de la direction de la communication sont contraints de repenser la stratégie défensive. Les réflexes habituels sont ébranlés. Les directeurs juridiques sont devenus des pompiers face aux feux des réseaux sociaux.
Et si le droit ne comptait plus ?
Culture Woke et Cancel culture ont fait leur apparition dans nos vies privées et dans nos exercices professionnels. C’est l’expression absolue du domaine du non-droit. En 1968, il était interdit d’interdire, en 2022 il sera interdit de ne pas interdire. La légalité n’est plus le fondement de la rupture d’une relation contractuelle, elle n’est plus la source de la remise en cause d’un droit. Aujourd’hui, la doxa impose ses règles au gré des fluctuations de tendances. Les juristes y perdent leur latin. Ils sont priés de mettre en œuvre des décisions qui ne reposent sur aucune base légale ; priés de mettre fin à un contrat sur des motifs tirés d’une norme sociale réinventée, de remercier un salarié qui ne répond pas aux critères de moralité woke. Des trésors d’imagination sont mobilisés pour accompagner des décisions inspirées de ces nouvelles modes. Prière aux juristes de quitter le champ du rationnel et de mobiliser leur imagination au service de l’émotionnel. En 2022, le droit positif se promet d’être créatif !
Laure Lavorel
Présidente